De quoi parle votre livre ?
Mon livre traite de la violence conjugale.
Pourquoi avoir écrit sur ce sujet ?
Tout d’abord, je tiens à préciser que ce roman est une pure fiction. C’est un sujet d’actualité et au travers des chiffres alarmants de mortalité à la suite de violences conjugales, il me semblait important de lancer plusieurs messages par le biais de ce livre.
Quels sont ces messages ?
En premier lieu, c’est un signal fort que j’ai voulu adresser aux femmes victimes de violences conjugales. Leur démontrer que l’on peut toujours se sortir de cet enfer et de l’isolement provoqué par leur tortionnaire. Les inciter à franchir le pas de quitter leur domicile, avant qu’un drame ne se produise.
D’autre part, j’ai souhaité attirer l’attention sur les clichés des classes sociales. J’ai choisi volontairement un couple de jeunes cadres, dont la jeune femme est issue de milieux bourgeois. Ceci, afin de démontrer que la violence peut être présente dans toutes les couches sociales. Beaucoup ont tendance à penser que c’est le lot des milieux défavorisés. La violence s’exerce à huis clos et de surcroît, dans le milieu bourgeois, l’omerta est de rigueur, ce qui provoque l’incompréhension, lors d’une séparation pour violence.
De quelle façon avez-vous abordé ce sujet ?
A travers la lecture de ce livre, j’ai voulu faire découvrir ce qu’est un pervers narcissique. Également la façon dont il procède pour petit à petit, faire perdre pied à sa proie et l’isoler en éloignant famille et amis.
Faire comprendre la spirale et le cycle de la violence que fait subir ce prédateur. La montée crescendo de cette violence et lorsque celle-ci est arrivée à son summum, la période que l’on appelle « la lune de miel ». Période où la personne agressée reprend confiance en sa vie de couple et pense que tout peut repartir sur de bonnes bases. Ensuite, les cycles repartent en s’accélérant au fil du temps.
Démontrer les séquelles après la séparation due aux violences. Des séquelles psychologiques difficiles à surmonter et regagner l’estime de soi.
Pourquoi la personne persécutée ne franchit-elle pas le pas de partir ?
Parce qu’elle vit journellement dans un enfermement, un isolement voulu par son bourreau. Elle se sent prisonnière et est rendue mutique. La victime ne sait plus qui elle est et ses vraies valeurs. Elle se sent inutile et incapable, puisque c’est ce que son tortionnaire lui répète à longueur de temps. Elle est en permanence en souffrance. Elle a peur du regard des autres. Toutes les actions de violence se passent à huis clos et sont inexplicables et tellement soudaines de la part du pervers. Un simple mot de travers peut mettre le feu aux poudres. La victime a peur de franchir le pas, peur des représailles et souvent ne sait pas où aller. Les centres d’hébergement sont souvent complets et pas forcément à proximité.
Le dépôt de plainte est un grand pas à franchir pour elle. Elle a peur d’être jugée et souvent, sous la pression de son compagnon, elle revient sur sa déposition.
Le personnel habilité à recevoir ce genre de requêtes commence à suivre une formation, pour mieux appréhender le sujet et poser les bonnes questions sans blesser la victime.
Pensez-vous que votre message sera entendu ?
Je l’espère sincèrement. J’espère que les femmes ne se sentent plus seules et prennent les décisions qui s’imposent dès la première gifle. Elles doivent comprendre que lorsqu’elles entrent dans cette spirale, rien ne peut plus s’arranger et elles doivent quitter leur foyer pour leur sécurité et celle de leurs enfants.
J’espère avoir levé les tabous sur un sujet difficile à aborder, mais ô combien nécessaire.
J’ai aussi entendu : « de toute façon, lorsqu’elle quitte un homme violent, elle se remet en ménage avec un encore pire ».
Les chiffres de décès à la suite de féminicides ne font que grimper : 121 femmes en 2018, pour 156 en 2019. Pour 2020, je crains le pire avec le confinement.
Pensez-vous que le gouvernement a pris conscience de cette problématique ?
Oui, des avancées sont en cours et le gouvernement semble prendre conscience qu’il reste beaucoup à faire dans ce domaine.
Organisé à l’automne 2019, le Grenelle des violences conjugales « a permis une vraie prise de conscience et une mobilisation de toute la société face aux violences conjugales ».
Après le Grenelle, le Parlement a adopté définitivement, fin juillet, une proposition de loi destinée à mieux « protéger les victimes de violences conjugales ».
Dans ce texte, il est introduit notamment une exception au secret médical en cas de « danger immédiat » et ça, c’est une bonne chose. Le médecin pourra lever le secret médical auprès des forces de l’ordre en cas de danger immédiat.
Une première série de mesures a été adoptée fin 2019, dont la généralisation du port du bracelet antirapprochement contre les conjoints ou ex-conjoints violents. Cette mesure devrait être mise en place en septembre. Cela se pratique déjà en Espagne.
Pendant le 1er confinement, des mesures d’éviction ont été prises, afin d’éloigner tout de suite le conjoint dangereux, avec comparution immédiate.
J’espère qu’au travers de ce livre, mes buts seront atteints. Que les personnes confrontées à ce fléau osent franchir le pas et que le lecteur comprenne ce qu’une victime de violence conjugale vit au quotidien et respecte son parcours.